Convention des Nations unies contre la corruption : comment la France met-elle en œuvre ses engagements ?

Avril 2012, Transparence International France.

La Convention des Nations Unies contre la corruption (dite convention UNCAC ou « de Mérida ») constitue le premier instrument juridique mondial en matière de lutte contre la corruption. Entrée en vigueur en 2005 et ratifiée par 160 Etats à ce jour, ses dispositions couvrent tous les aspects de la lutte anti-corruption : prévention dans les secteurs publics et privés, coopération internationale, recouvrement des avoirs, protection des victimes, etc. La France a ratifié la convention en 2005.

A ce jour cependant, la convention est appliquée de manière très inégale selon les pays et les dispositions. En témoignent par exemple, les grandes difficultés rencontrées pour la mise en pratique du principe de restitution des avoirs détournés. Transparency International œuvre depuis plusieurs années pour une meilleure application de la convention. L’ONG a notamment participé au plaidoyer actif mené par de nombreuses organisations pour demander la mise en place d’un mécanisme de suivi de la convention qui soit crédible et efficace.

En novembre 2009, la Conférence des États parties à la convention a adopté les termes de référence encadrant le mécanisme d’examen de l’application de la convention (appelé aussi « revue par les pairs »). La France a fait partie des Etats qui ont soutenu les propositions de la société civile en faveur d’un mécanisme solide, intégrant notamment la consultation de la société civile dans les évaluations et des visites sur le terrain. Malheureusement, le dispositif qui a été adopté est très insuffisant, notamment du fait de son caractère facultatif. Les contributions de la société civile, les visites des examinateurs dans les pays, de même que la publication des rapports finaux, restent en effet optionnels.

La France, qui a fait partie des premiers pays évalués, a décidé d’appliquer ces dispositions facultatives. La société civile a ainsi été consultée pour la préparation du rapport d’auto-évaluation et le gouvernement a accepté une visite en France des examinateurs. Ceux-ci ont pu, à cette occasion, rencontrer notamment des représentants des ONG. Le résumé exécutif du rapport des examinateurs a été rendu public en février dernier.

De manière générale, les examinateurs ont observé une mise en œuvre adéquate des dispositions de la convention par la France. Tout en notant le haut degré de conformité du système juridique français avec la convention, ils ont salué la décision de la Cour de cassation, en novembre 2010, de déclarer recevable l’action en justice d’une association de lutte contre la corruption (cette décision concerne la recevabilité de TI France dans le cadre de l’affaire dite des « biens mal acquis »). Les examinateurs ont néanmoins relevé plusieurs possibilités d’amélioration.

Ils ont notamment adressé à l’Etat français les recommandations suivantes :

  • Les examinateurs proposent de systématiser la peine d’inéligibilité à l’égard des élus condamnés pour corruption. Pour TI France, l’inéligibilité constitue effectivement la peine la plus dissuasive pour les élus. Sanctionner les élus reconnus coupables de corruption est par ailleurs essentiel pour restaurer la confiance dans les institutions. Nous proposons pour notre part d’étendre la peine d’inéligibilité de 5 ans maximum aujourd’hui à 10 ans minimum.
  • En ce qui concerne la justice, les examinateurs proposent de garantir l’indépendance des procureurs vis-à-vis du ministre de la Justice. Cela fait écho à l’une des recommandations prioritaires de TI France depuis plusieurs années, visant à instituer un « Procureur Général de la Nation » (PGN). Celui-ci incarnerait une autorité judiciaire forte et indépendante, capable de résister aux interférences du pouvoir politique.
  • En ce qui concerne les moyens de la police, les examinateurs suggèrent d’augmenter les effectifs de la Brigade Centrale de Lutte contre la Corruption. Il s’agit là encore d’une recommandation défendue par TI France. Dans son rapport sur les moyens de la justice et de la police financières publié en juin 2011, TI France notait à ce sujet que la Brigade Centrale de Lutte contre la Corruption n’a jamais été dotée des moyens nécessaires à sa mission. Créée en 2004 et chargée d’enquêter sur des affaires de corruption, notamment à caractère international, cette brigade ne regroupe aujourd’hui que 13 enquêteurs.
  • Enfin, les examinateurs proposent de considérer de revoir l’amende maximale applicable aux personnes morales condamnées pour corruption, notamment lorsque la personne morale a tiré d’énormes profits par les contrats juteux obtenus grâce au versement de pots-de-vin. Aujourd’hui, le taux maximum de la peine d’amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui encouru par les personnes physiques, soit 750 000 euros.

Pour TI France, la France doit continuer à être pro-active dans son soutien à la convention et doit ainsi mettre en œuvre ces recommandations qui, pour la plupart, rejoignent celles formulées de longue date par l’association.