Corruption transnationale : l'OCDE confirme l'analyse de Transparence International France

26 October 2012, by Marina Yung, Transparence International France.

L’OCDE a publié hier son troisième rapport de suivi de la mise en œuvre par la France de la Convention de l’OCDE sur la corruption d’agents publics étrangers. L’organisation internationale estime que, malgré quelques avancées (l’engagement pris par la ministre de la Justice de ne pas donner d’instructions aux magistrats du parquet ou encore les efforts réalisés en matière de sensibilisation des entreprises à la lutte contre la corruption et la mise en place de programmes de conformité), la France n’agit toujours pas efficacement contre la corruption transnationale.

Un nombre d’affaires faible

Depuis l’adhésion de la France à la convention de l’OCDE en 2000, seulement 33 procédures ont été initiées et cinq condamnations prononcées. Comme nous le rappelions dans notre propre rapport de suivi de la Convention publié en septembre dernier, ces chiffres sont faibles : non seulement par rapport au poids économique de la France et à l’exposition de ses entreprises au risque de corruption transnationale, mais aussi si on le compare au nombre d’affaires en cours dans d’autres pays tels que les Etats-Unis (275) ou l’Allemagne (176).

La question de l’indépendance du parquet

L’OCDE arrive à la même conclusion que nous avions formulée dans notre rapport : le manque d’indépendance des procureurs vis-à-vis du pouvoir exécutif pose problème et peut, dans certains cas, bloquer le déclenchement des poursuites en matière de corruption d’agents publics étrangers. L’OCDE a recensé 38 affaires qui n’ont « même pas donné lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire » alors que des sociétés françaises étaient citées.

Le manque de moyens procéduraux et humains

Lorsque des poursuites sont engagées, le manque de moyens peut également poser problème. Le droit est jugé trop restrictif : pour sanctionner, il faut prouver l’existence d’un « pacte de corruption » entre le corrupteur et le corrompu. L’exigence de réciprocité d’incrimination, c’est-à-dire le fait que le délit soit « puni par la législation du pays où il a été commis », restreint également le nombre de procédures. En outre, la mise en œuvre des dispositions législatives encadrant le secret défense fait parfois obstacle aux enquêtes et aux poursuites.

Le manque de moyens des enquêteurs spécialisés est également de plus en plus criant. L’OCDE recommande notamment – nous aussi d’ailleurs – le renforcement des moyens de la Brigade centrale de lutte contre la corruption.

Des sanctions peu dissuasives

Ainsi que nous le proposons, le groupe de travail de l’OCDE suggère de rehausser le plafond des amendes maximales pour des faits de corruption. À l’heure actuelle, l’amende maximale pouvant être prononcée à l’encontre d’une entreprise est de 750 000 euros. Rappelons que la multinationale française Safran a récemment été reconnue coupable de corruption d’agents publics étrangers et condamnée en France à 500 000 euros d’amende. Ce montant parait faible au regard de la valeur du contrat remporté (214 millions de dollars). Cette amende n’est donc ni dissuasive, ni proportionnée.

La France a maintenant un an pour répondre par oral aux critiques formulées par l’OCDE et deux ans pour prendre par écrit des engagements précis. Une affaire à suivre…